Répétition et Différence - projet personnel 2025/26
Couleur : répétition et différence
Variations, déclinaisons, bifurcations dans une structure répétitive
Que ce soit en recherche scientifique, en composition musicale, en calcul mathématique ou dans les arts visuels, la répétition d’une chaîne d’éléments scande une ligne de temps, instaure un rythme et ouvre ainsi une possibilité d’évolution et de progression. La nature même de notre univers repose sur des phénomènes répétitifs : le cycle des planètes autour du soleil, l’alternance des jours et des nuits, mais aussi les traditions et cultures humaines.
Dans Différence et Répétition, Gilles Deleuze distingue la répétition stérile, purement mécanique, de la répétition créatrice, où chaque itération génère une nouvelle singularité. Selon cette logique, la différence n’est pas un simple écart : elle définit le concept même d’identité au sein d’une structure.
Prenons l’exemple de la biologie et de la génétique : les séquences d’ADN sont formées par des structures répétitives, mais ce sont précisément les mutations et recombinaisons qui permettent l’émergence de nouvelles fonctions biologiques. À partir d’un modèle génétique stable, la nature introduit des écarts, des différenciations qui rendent possibles l’adaptation et l’évolution. De minuscules variations peuvent ainsi engendrer des formes inédites.
En musique, la répétition structure le rythme, mais c’est justement parce que ce rythme ne se limite pas à une simple réitération qu’il devient musique : la moindre variation d’intensité, d’accentuation ou de durée transforme la perception du motif sonore et introduit un nouvel agencement du temps.
Ces idées ne sont bien sûr pas étrangères à la littérature et aux arts visuels. La déclinaison, le motif, la série, le style sont des procédés omniprésents, plus ou moins affirmés, dans toute recherche artistique à la fois rigoureuse et expérimentale. De la même manière qu’en recherche scientifique, répétition et variation sont des outils de vérification ; en art, elles constituent le fondement même de l’originalité. Il suffit de penser aux mouvements artistiques du XXe siècle et aux avant-gardes pour retrouver cette idée d’une différence qui vient déstabiliser les paradigmes établis – avant de devenir elle-même, avec le temps, un nouveau paradigme à remettre en question.
Dans le cadre de ce projet, il s’agira alors de questionner l’usage de la couleur à travers les notions de répétition et de différence. Une approche sérielle est ainsi implicitement proposée. Cela implique le choix d’une structure plus ou moins stable et continue, permettant d’instaurer une répétition, un rythme – mais qui sera ponctuée d’exceptions, de variations, de bifurcations. En maintenant cette structure, certaines questions de représentation, de sujet, de forme et de matériau seront en partie fixées en amont, ce qui permettra à chaque projet de se concentrer, dans ses spécificités, sur les enjeux propres à la couleur et d’explorer son interaction et son influence sur des éléments plus symboliques et signifiants.






Temporalité et étapes de suivi du projet :
- Questionnement préalable : ambitions, idées, inspirations, artistes ou auteur·e·s de référence.
- Mise en place d’un cadre de répétition et des paramètres de variation : choix affirmés concernant un matériau spécifique, une technique, une forme, un motif, un sujet récurrent ; définition de certaines contraintes (règles, protocole, etc.).
- Période d’enquête et d’expérimentation : étape la plus longue, consistant en une recherche pratique sur le médium choisi. Chacun·e formulera des questions, explorera des pistes et traversera des phases de doute, de rectification et de remise en question du protocole établi, avec d’éventuels ajustements selon l’évolution du projet. Conserver des traces matérielles, visuelles et/ou écrites des différentes étapes de cette recherche.
- Questionnement sur le rôle de la différence dans la répétition : examiner à quels moments, à quelle fréquence et de quelle manière les règles du protocole défini sont contournées, en considérant que c’est dans la différence que surgit l’originalité.
- Suivi collectif et individuel : accompagnement proposé en classe et dans les ateliers. Des présentations orales permettront de partager l’état d’avancement des projets, de discuter collectivement des enquêtes en cours, d’identifier les problèmes rencontrés et d’explorer les solutions envisagées.
- Finalisation et mise en forme du projet : regroupement du processus de recherche et de ses aboutissements dans un objet communicable, accompagné d’un appareillage critique écrit.
Idées clés :
- Approche sérielle (série en art, en écriture, en musique, en mathématiques, en sciences, dans l’industrie, etc.)
- La couleur comme élément de répétition : soit comme variable, soit comme constante.
- Définition d’un cadre de travail permettant la répétition / déclinaison (quelle matérialité ? Quel médium ? Quelles techniques ?)
- La répétition comme méthodologie d’erreur-rectification, donc comme succession et évolution.
- La répétition comme ligne de temps et de rythme.
- La répétition traversée par des exceptions : des individualités qui ne sont pas de simples éléments étrangers, mais qui possèdent leur valeur propre et affirment une identité dans l’ensemble.
- Protocole : règles de la répétition, moments et raisons de l’exception.
- L’aléatoire dans la répétition : qu’est-ce qui est défini à l’avance, et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
- L’idée de l’exemplaire multiple, posant la question du style, de la marque, de l’identité visuelle.
- La répétition qui devient motif visuel : à partir de quand une répétition devient-elle un motif ?
Pour démarrer :
- Dossier cloud pour l’archivage de l’évolution des recherches : cloud.lacambre.be
- Collection de références visuelles (artistes, mais aussi images issues du quotidien).
- Collection de références textuelles (du texte scientifique à la poésie).
- Nuancier dans un médium / matériau spécifique.
Évaluation :
1er quadrimestre
Participation active aux séances hebdomadaires : 20 %
Évolution de la démarche de recherche : 20 %
Intégration des apports techniques, théoriques et critiques : 10 %2e quadrimestre
Participation active aux séances hebdomadaires : 20 %
Évolution, approfondissement et documentation finale du projet : 20 %
Intégration des apports techniques, théoriques et critiques : 10 %
18 décembre 2025 - Échéance du 1er quadrimestre :
- Présentation en classe : état des lieux des projets.
- À cette date, un processus de recherche doit être clairement engagé, avec un cadre de travail déjà défini, à la fois techniquement et conceptuellement, et pouvant être expliqué lors d’une présentation de quelques minutes.
- Remise d’une courte note d’intention, de visuels des premières étapes de recherche et d’une liste de références visuelles et textuelles.
Pour aller plus loin :
📖 Deleuze, G. (1968). Différence et répétition. Puf.
📖 Danto, A. (1989). La transfiguration du banal. Seuil.
📖 Talon-Hugon, C. (2021). L’artiste en habits de chercheur. Puf.